Devrais-je devenir mon propre fournisseur ?
Netflix a d'abord été un service de streaming vidéo avant de devenir un créateur de programmes télévisés. Apple a d'abord produit du matériel avant de se lancer dans la fabrication de logiciels. Tesla, un constructeur automobile, a commencé à concevoir des puces en pleine crise de l'automobile. Quel est le point commun entre ces entreprises ? Elles sont toutes allées à contre-courant.
Intégration verticale
Prenons l’exemple de l’industrie automobile. Normalement, pour accroître leur part de marché, les équipementiers automobiles rachètent leurs concurrents (c’est le cas de Volkswagen). C’est ce qu’on appelle l’intégration horizontale. Pour sa part, Elon Musk parle de Tesla comme d’une entreprise absurdement intégrée verticalement par rapport à ses concurrents. Mais que signifie réellement l’intégration verticale et qu’est-ce qui la rend si rentable ?
L’intégration horizontale est une stratégie qui consiste à développer une entreprise en rachetant ses concurrents. Elle est considérée comme la plus efficace à deux conditions : premièrement, la technologie développée par l’entreprise doit être mature, c’est-à-dire qu’aucun changement radical n’est attendu sur le marché ; deuxièmement, le concurrent doit souffrir d’un problème quelconque, tel que l’instabilité financière, des distractions dans la chaîne d’approvisionnement ou une mauvaise gestion.
L’intégration verticale, quant à elle, consiste à incorporer des entreprises existantes dans la même chaîne d’approvisionnement, en amont ou en aval de l’entreprise en question. En d’autres termes, si un éditeur achète une librairie, il s’agit d’une intégration verticale en amont, tandis que si le libraire achète un éditeur, il s’agit d’une intégration verticale en aval.
Toute entreprise présente des inefficacités que le marché finira par éliminer. Nous avons été frappés, lors des récentes crises post-pandémie et post-guerre, par la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement dans le monde entier. Nous avons également été confrontés à des prix de transport élevés, que vous pouvez découvrir ici :
Mais même avant cela, les chaînes d’approvisionnement complexes, dont les différentes étapes appartiennent à plusieurs acteurs, présentaient des risques d’erreurs de calcul et d’inefficacité.
Effet de fouet (Bullwhip)
Si les membres de la chaîne d’approvisionnement appartiennent à des parties différentes, il y a toujours des marges, une surestimation de l’offre et une mauvaise circulation de l’information entre les étapes de la chaîne d’approvisionnement.
L’effet de fouet ou Bullwhip est une distorsion de la demande communiquée en amont de la chaîne d’approvisionnement. Quelles en sont les causes ? Plus la chaîne d’approvisionnement est longue, plus la distorsion est importante. Si une augmentation de la demande, qu’elle soit due à des raisons objectives comme la météo ou subjectives comme les tendances saisonnières, est communiquée vers le haut, il se peut qu’elle soit déjà exagérée au départ. Nous voulons être prêts à faire face à une augmentation de la demande encore plus importante que celle que nous avons observée, même si elle n’est pas raisonnable d’un point de vue économique. Nous sommes guidés par un facteur psychologique : l’aversion pour les pertes. Les données relatives à l’augmentation de la demande sont prises en considération lors de l’élaboration des prévisions à tous les stades du processus.
Remises quantitatives : pas toujours une bonne affaire
Si recevoir une réduction est toujours une expérience gratifiante, ce n’est pas toujours une bonne idée d’acheter plus pour l’obtenir. Après tout, il s’agit d’incitations à dépenser plus, alors que l’objectif initial était d’économiser. Il en résulte un surstockage et le maintien de ce stock dans l’entrepôt génère des coûts, ce qui peut entraîner une érosion des marges et des problèmes de trésorerie.
En outre, en fonction du modèle de prévision, votre fournisseur peut inclure à tort la quantité plus élevée de produits (dérivée de l’escompte de quantité) dans ses prévisions. Cela se traduit soit par une marge plus faible pour lui, soit par un prix plus élevé pour vous à l’avenir. Il est possible que les deux se produisent
Intégration verticale – Pourquoi est-ce une bonne idée ?
Il existe différents degrés d’intégration verticale de la chaîne d’approvisionnement. L’intégration est totale lorsque vous achetez votre fournisseur. Il y a intégration partielle, si vous achetez des actions de votre fournisseur, que vous participez aux bénéfices et que vous disposez d’un droit de vote. Vous pouvez aussi vous contenter de contrats à long terme avec des prix fixes et d’autres variables. Le modèle le moins intégré est la tarification au comptant, dans laquelle il n’y a pas de relation établie entre le fournisseur et l’acheteur. Il s’agit donc de choisir l’une des options du spectre, plutôt que de choisir de manière binaire si votre entreprise est ou non intégrée verticalement. Il n’est pas nécessaire d’acheter au fournisseur pour resserrer les liens avec lui. Plus vous êtes intégré avec votre fournisseur, moins il y a de risques d’effet de fouet et d’autres problèmes de communication susceptibles d’entraîner une baisse des marges, d’éventuelles perturbations de la chaîne d’approvisionnement et des coûts d’entreposage plus élevés pour vous.
Au cours des deux dernières années, l’industrie automobile a été touchée par la pénurie de microprocesseurs. Ce n’est pas le cas de Tesla, dont le modèle d’entreprise est beaucoup plus souple que celui de ses concurrents. Les autres équipementiers automobiles traditionnels font appel à des tiers pour la production et la programmation des puces. Tesla conçoit et programme ses puces et entretient des liens étroits avec ses producteurs. Son modèle est très éloigné de l’ingénierie de catalogue standard : elle n’utilise pas de pièces prêtes à l’emploi que l’on peut commander auprès de fournisseurs, mais crée ses propres solutions dictées par les besoins de la conception. Grâce à cela, leurs fournisseurs de pièces disposent de machines conçues uniquement pour leurs pièces, ce qui rend leur approvisionnement plus sûr. Un autre avantage de ne pas recourir à l’ingénierie de catalogue mais de concevoir ses propres machines est que Tesla n’a pas à s’inquiéter d’être copié. Cela lui permet de conserver son avantage technologique.
Alors que d’autres entreprises ont dû faire face à la pandémie, Tesla a augmenté ses ventes. Cela ne signifie pas qu’elle a été épargnée par les problèmes d’approvisionnement en puces. Elle a également dû prendre des mesures telles que le retrait des puces inutiles de ses véhicules. Toutefois, il semble qu’elle ait été plus immunisée contre les pénuries. Tout le monde devrait-il maintenant commencer à intégrer verticalement ses entreprises de production ? Cette décision doit être dictée par une analyse approfondie de la chaîne d’approvisionnement et de la stratégie commerciale actuelles. Compte tenu de la crise de la guerre et de l’inflation élevée, les entreprises de production sont susceptibles de chercher des moyens d’optimiser et de garantir la stabilité de la chaîne d’approvisionnement. L’intégration verticale peut être l’un de ces moyens, en particulier pour les entreprises qui souhaitent protéger leur avance technologique.
–
https://www.reuters.com/markets/europe/how-tesla-weathered-global-supply-chain-issues-that-knocked-rivals-2022-01-04/#:~:text=Musk%20has%20called%20the%20company,%2C%22%20a%20Tesla%20insider%20said.
https://evannex.com/blogs/news/elon-musk-tesla-is-absurdly-vertically-integrated-compared-to-other-auto-companies
https://corporatefinanceinstitute.com/resources/knowledge/strategy/vertical-integration/
https://corporatefinanceinstitute.com/resources/knowledge/economics/transfer-pricing/
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7578567/
https://www.cips.org/knowledge/procurement-topics-and-skills/operations-management/bullwhip-effect-in-supply-chain/
